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Finir un jeu

Finir un jeu

Date : 06/06/2014
Auteur : Alex RoiEsper

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"A gauche : Le jeu ; A droite : Vous"



Cet article est une traduction de Alex RoiEsper.
L'article original est écrit par Derek Yu, publié en septembre 2010.


Terminant actuellement mon propre jeu, j'ai beaucoup réfléchi au fait de finir des projets en général. J'ai remarqué qu'il y avait beaucoup de développeurs talentueux qui ont des difficultés pour finir leurs jeux. Pour être franc, j'ai laissé derrière moi un grand nombre de jeux non terminés... Je pense que c'est le cas de tout le monde. Certains projets ne sortent pas, quelle qu'en soit la raison. Mais si vous vous rendez compte que vous arrêtez toujours des projets, malgré leur potentiel, il serait peut-être bon de vous poser et d'examiner pourquoi cela se produit.

Nous avons tous eu ce sentiment pour un jeu, une BD, un film (etc...) qui vient juste de sortir : "Wow, je pourrais faire bien mieux que ça ! C'est surévalué." Mais c'est important de s'arrêter et de réaliser que, hey, ils ont pris le temps de finir un projet, alors que moi non. C'est au moins une chose pour laquelle ils sont meilleurs que moi, et c'est probablement pour ça qu'ils ont le succès que, moi, je n'ai pas. Si vous considérez que finir est une compétence, plutôt qu'une étape du processus de création, vous serez d'accord sur le fait que vous devez l'améliorer, mais aussi réfléchir aux habitudes et pensées qui se mettent en travers de votre chemin.

Je ne crois pas qu'il y ait une bonne façon de faire des jeux. C'est un effort créatif, donc il n'y a pas de règles absolues ou infaillibles. Mais en tant que développeur de jeu, qui ai discuté de ce problème avec d'autres développeurs de jeux, j'ai cette impression qu'il y a des pièges mentaux dans lesquels nous tombons tous à un moment donné, et tout particulièrement au commencement. Être averti de ces pièges est une grande première étape pour finir quelque chose. (Entre vous et moi, lister ces idées est en partie ma manière de les surmonter, aussi !)

Donc, sans plus tarder, voici une liste de 15 astuces pour terminer un jeu :

1. Choisissez une idée qui a du potentiel


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"Les jeux que je veux faire ; Les jeux que j'aimerais avoir faits ; Les jeux pour lesquels je suis un bon créateur"



J'ai remarqué qu'il y a trois types de jeux qui suscitent mon intérêt : les jeux que je veux faire, les jeux que j'aimerais avoir faits et les jeux pour lesquels je suis un bon créateur.

Les jeux que je veux faire sont des jeux dont le processus de création lui-même semble vraiment amusant. Peut-être que la mécanique est vraiment amusante à expérimenter, ou peut-être que je veux particulièrement animer un personnage donné.

Les jeux que j'aimerais avoir faits sont des jeux pour lesquels je m'intéresse plus au résultat qu'aux moyens d'y arriver. Peut-être est-ce un concept sans limites ("OMG, un croisement entre GTA, Final Fantasy, Starcraft, ...") ou juste une idée précise qui n'est pas particulièrement amusante à programmer.

Les jeux pour lesquels je suis un bon créateur sont adaptés à ma personnalité et sont ceux pour lesquels j'ai de l'expérience. Peut-être y a-t-il un genre de jeux particulier autour duquel vous gravitez naturellement, et dont vous comprenez très bien le rythme et l'état d'esprit.

Selon moi, les idées avec le plus de potentiel (pour être fini, en tout cas) sont celles qui tombent dans ces 3 catégories, et aussi qui satisfont la condition nécessaire : "J'ai le temps et les ressources pour effectivement la réaliser".

2. Commencez vraiment ce fichu jeu


Écrire votre idée n'est pas commencer ce fichu jeu. Rédiger un document de conception n'est pas commencer ce fichu jeu. Réunir une équipe n'est pas commencer ce fichu jeu. Même faire des graphismes ou de la musique n'est pas commencer ce fichu jeu. C'est très facile de confondre "préparer à commencer un fichu jeu" avec "commencer un fichu jeu". Souvenez-vous : un fichu jeu peut être joué, et si vous n'avez rien créé qui ne puisse être joué, ce n'est pas un fichu jeu !

Fichtre donc, même créer un moteur de jeu n'est pas nécessairement commencer ce fichu jeu. Ce qui m'amène au point suivant...

3. Ne développez pas votre propre technologie si vous n'en êtes pas obligé


Il y a des pour et des contre concernant l'écriture de son propre moteur. Mais demandez-vous : êtes-vous vraiment obligé ? Ne pouvez-vous vraiment pas réaliser votre idée grâce à un outil existant ? Allez-vous réinventer la roue ? Bien sûr, si vous écrivez votre propre moteur, vous pouvez le rendre aussi parfait que vous le souhaitez. Mais soyez honnête, combien de fois vous passez du moteur au jeu en tant que tel ? Faites-vous plus souvent des moteurs de jeux que vous faites des jeux ?

J'ai réalisé la version originale de Spelunky avec Game Maker, et c'est ce jeu "fini" qui m'a finalement donné l'opportunité de travailler sur une version Xbox 360. Donc n'estimez pas que les logiciels de création de jeu ou autres outils simplifiés sont, d'une manière ou d'une autre, illégitimes. La chose la plus importante est le jeu.

Lien (EN) : Section technique de "The Independent Gaming Forums"

4. Faites des prototypes


Ce point rejoint le numéro 2 : faites d'abord un prototype avec ce que vous avez déjà de disponible. Parfois, vous vous rendez compte sur le champ que c'est une mauvaise idée. Parfois, vous tombez même nez à nez avec une BIEN MEILLEURE idée. Dans tous les cas, j'ai souvent du mal à trouver ce que je veux réaliser tant que je n'ai pas commencé à créer quelque chose. Donc créez quelque chose !

5. Assurez-vous que les mécaniques centrales sont amusantes


Trouvez des mécaniques qui sont juste amusantes à jouer. Les interactions les plus basiques doivent être amusantes, parce que c'est ce que les joueurs feront le plus souvent quand ils joueront à votre jeu. En définitive, ces mécaniques centrales doivent être au coeur de votre développement. Cela vous facilitera la tâche, par la suite, quand vous devrez couper des parties de votre jeu (point numéro 13) - vous aurez toujours ces mécaniques centrales sur lesquelles vous appuyer.

Il peut arriver, au moment du prototypage, que vous découvriez une mécanique qui est PLUS amusante que la mécanique centrale que vous aviez choisie. Songez à en faire la nouvelle mécanique centrale !

6. Choisissez des bons partenaires (ou travaillez seul tant que vous le pouvez)


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Trouver un bon partenaire pour créer un jeu est comme trouver l'amour, à plusieurs égards. Vous pouvez considérer que tout ce qui importe ce sont les compétences : "Oh cool, je suis un programmeur, et ce type est un artiste... ALLONS-Y !" Mais non, il y a d'autres points à prendre en compte, comme la personnalité, l'expérience, le temps, et l'intérêt mutuel. Comme une relation amoureuse, vous ne souhaiteriez pas être dans une situation dans laquelle vous ou l'autre personne est bien moins impliquée. Testez-vous l'un l'autre un peu avec des projets plus petits, parce qu'une personne clé qui lâche après des mois ou des années de développement peut être réellement dévastateur.

Une autre grande chose concernant les projets finis est que vos partenaires sauront ce dont vous êtes capable et se sentiront plus à l'aise pour travailler avec vous. C'est difficile de convaincre quelqu'un d'expérimenté de travailler avec soi seulement sur la base d'une idée, étant donné le petit nombre d'idées qui voit réellement le jour (et à quel point certaines idées sont difficiles à suivre tant qu'elles n'ont pas été réalisées). De bons partenaires voudront voir vos jeux terminés. Donc terminez-les !

D'autre part, trouvez des graphismes et des musiques libres de droit sur internet, ou au moins des substituts (placeholders) (sur The Independent Gaming Source nous avions un concours au cours duquel de nombreux éléments artistiques et musicaux gratuits ont été créés). Utilisez l'ASCII si vous avez besoin. En tant qu'artiste, je sais que j'aurais préféré contribuer à un projet déjà réalisé mais pour lequel il manque juste les graphismes. Et si vous avez besoin d'un codeur... envisagez d'apprendre le code vous-même (si je peux le faire, vous le pouvez aussi !) ou utilisez un logiciel de création de jeu (voir le point 3).

7. Il est normal d'affûter - Tenez-en compte dans votre planning


Créer un jeu est en grande partie fastidieux et peu amusant. Ce n'est pas un jeu, c'est du travail (et c'est pourquoi vous devez étrangler QUICONQUE se moque de vous qui "passez votre journée à jouer"). A un moment, vous vous rendrez soudain compte qu'il y a toutes ces choses auxquelles vous n'aviez pas pensé au moment de la planification et du prototypage - des choses comme les menus, les transitions d'écran, sauver et charger, etc... "Zut ! J'imaginais créer ce monde extraordinaire, ou expérimenter cette superbe mécanique... mais je ne pensais pas passer des semaines à faire des menus fonctionnels qui ne ressemblent pas à rien !" Ou, vous savez, ces choses amusantes à petite dose, comme animer des personnages, mais qui deviennent cauchemardesques quand vous vous rendez compte que vous avez imaginé 100 personnages différents.

Une fois que vous avez vécu cela deux ou trois fois, vous vous rendrez compte à quel point il est important de bien prévoir un projet, pour que vous ne passiez pas beaucoup trop de temps empêtré dans cet inévitable bourbier ("beaucoup trop de temps" étant le temps nécessaire avant que vous n'abandonniez). Vous vous rendrez aussi compte qu'une grande partie de ces trucs ennuyeux sont ceux qui donnent l'impression que votre jeu est complet ! Un écran titre sympa, par exemple, fait des merveilles pour donner une légitimité à un jeu.

8. Considérez les awards, concours, et autres évènements comme de réelles échéances


Quand Alec et moi travaillions sur Aquaria, la date limite d'inscription au festival des jeux indépendants nous a forcé à prendre des décisions difficiles concernant notre direction, et ça nous a aussi forcé à regarder notre planning de façon plus réaliste. Si nous n'avions pas eu cette échéance, je ne suis pas totalement sûr que nous aurions terminé. Participer aux concours est une très bonne chose, car les dates limites sont bien réelles, et que les récompenses (reconnaissances, prix, argent parfois) sont tout autant réelles. En outre, ils peuvent vous permettre de rentrer en contact avec une communauté de gens qui partagent votre passion.

Liens (EN) : Independent Games Festival, Ludum Dare
(NDT, un lien francophone : Alex d'or)

9. Avancez


Vous vous sentez bloqué ? Avancez. Commencez à travailler sur le niveau suivant, le prochain ennemi, le prochain n'importe quoi. Non seulement c'est utile à votre motivation, cela vous permettra d'avoir une idée de votre jeu dans son entièreté. Tout comme l'écriture - vous n'écrivez pas phrase par phrase en vous assurant que chaque phrase est parfaite avant d'avancer. Commencez par exposer les grandes lignes.

10. Prenez soin de votre santé mentale et physique


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"Veux pas travailler."



Il peut être étrangement difficile de prendre soin de soi quand on a pour seul but de finir son jeu. Mais honnêtement, vous desservez surtout votre jeu quand vous ne dormez pas, ne bougez pas ou ne mangez pas bien. Au mieux, vous vous empêchez de travailler au meilleur de vos capacités et vous aurez plus de chances d'abandonner. Avoir des doutes sur son projet est parfaitement naturel, mais partir en dépression ou tomber malade ne l'est pas. C'est surprenant à quel point on n'a pas envie de travailler sur son projet rêvé quand son esprit et son corps sont maltraités.

11. Arrêtez de trouver des excuses pour recommencer


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"Je recommence ! ; J'ai tellement appris !"



"Mon code est un fouillis. Et j'ai tellement appris. Si je recommence tout, je pourrais le faire bien mieux et plus rapidement, et le reste du jeu ira bien plus rapidement aussi !"

STOP. NON. Cela arrive toujours à un moment donné pour chaque jeu développé. Votre code sera toujours un fouillis. Vous aurez appris beaucoup. Ça ne sera jamais parfait. Et si vous recommencez tout, vous vous retrouverez dans la même situation quand vous atteindrez ce moment à nouveau. C'est un piège terrible de penser comme cela.

Petite blague : un homme passe sa vie entière à travailler sur un moteur de jeu tellement parfait que tout ce qu'il a à faire est d'appuyer sur un bouton et le jeu parfait en sortira directement. A vrai dire, ce n'est pas vraiment une blague, car le fin mot de l'histoire est qu'il ne le termine jamais ! Aucun moteur ou jeu de la sorte n'existent.

Si vous vous rendez compte que vous avez fait un mauvais choix ou mal programmé quelque chose, revenez dessus et faites un peu de chirurgie, afin de vous sentir mieux. Si cela marche, même si la solution est un peu tirée par les cheveux, alors soyez courageux et continuez !

12. Gardez-la pour le prochain jeu


Alors comme ça, au milieu de votre développement, vous avez cette superbe nouvelle idée qui va épater tout le monde, mais vous allez devoir refaire tout votre jeu pour l'implémenter ? Gardez-la pour le prochain jeu ! D'accord ? Ce ne sera pas le dernier jeu que vous ferez, a priori. Gardez-la pour le prochain... mais finissez celui là d'abord !

13. Coupez. Un. Max.


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Oh mince, vous êtes bien au delà de votre planning. Vous avez toutes ces idées mais on colonisera Mars avant que vous ayez la chance d'implémenter la moitié d'entre elles. Malheur de vous... MAIS ATTENDEZ !

Bah, en fait, c'est super ! Parce que maintenant vous êtes obligé de décider de ce qui est vraiment important dans votre jeu, et ce que vous pouvez couper. Le fait est que, si nous avions tous des ressources et un temps illimités, nous ferions tous le même jeu pourri et sinueux, et il n'y aurait aucune raison d'y jouer du tout. Ce sont nos ressources et temps limités qui nous obligent à faire des jeux concis qui donnent le sentiment d'avoir un but.

Si vous avez construit des mécaniques centrales / concepts de base qui sont vraiment amusants, coupez jusqu'aux limites de cette base. Tout le reste n'est probablement que des fioritures dont vous pouvez vous passer. Ou pire, ce sont des fioritures qui empêchent les gens de voir les meilleures parties de votre jeu.

14. Si vous abandonnez quand même, revoyez vos exigences à la baisse, pas à la hausse


Ok, parfois il faut clairement abandonner. Peut-être n'y a-t-il vraiment aucune possibilité de finir, et ce que vous avez est un bien trop gros fouillis qu'il est impossible de couper quoi que ce soit. Peut-être que le reste de l'équipe a déjà abandonné. Mon but en écrivant cette liste est d'aider les gens à ne pas arriver à ce stade, mais hey, peut-être vous venez d'obtenir un tel projet. Et parfois... les choses tournent juste mal.

S'il n'y a aucun moyen de le récupérer, au moins, assurez-vous que vous revoyez vos exigences à la baisse pour votre prochain projet. C'est facile de voir de plus en plus grand, même si vos projets deviennent de moins en moins finis. "Mes COMPÉTENCES augmentent ! J'apprends de mon échec," est une excuse habituelle. Mais je pense que c'est aussi pour cela qu'il est important de considérer que finir est une compétence.

Donc revenez loin, loin, loin, loin en arrière, jusqu'à un point que vous pouvez même considérer en dessous de vous. Par exemple, au lieu de passer de votre simulation d'espace x 4 à une simulation d'espace x 4 EN 3D, essayez de faire un bon jeu qui s'intéresse à un petit élément de simulation d'espace. Et si vous ne pouvez pas finir ça, essayez quelque chose qui se rapproche plus d'Asteroids. Il est fort probable que cela s'avère être un bien plus gros challenge que prévu (et/ou plus amusant à faire que prévu) !

15. Les derniers 10 pourcents


On dit que les derniers 10 pourcents sont en fait 90 pourcents, et c'est en partie vrai. Ce sont les détails qui s'avèrent prendre beaucoup de temps. C'est sûr, peut-être que vous avez codé un système de combat efficace en une semaine. Mais le rendre génial et le rendre complexe (et sans bugs)... ces choses peuvent prendre des mois. En vérité, vous ferez probablement un sprint de "dernière ligne droite" plusieurs fois avant que vous n'atteignez la vraie dernière ligne droite.

Cela peut vous décourager, mais ça ne devrait pas. Bien que les derniers 10 pourcents sont navrants, j'ai aussi remarqué que c'était une étape du développement particulièrement satisfaisante. Parce que le plus souvent, tout semble au final "s'assembler juste comme il faut", si vous avez correctement utilisé votre temps, et transformer un méli-mélo d'idées et un fouillis de contenus en un jeu agréable est un sentiment magique.

Tout est une question de détails.

Et finalement... la sortie !


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Oh ben mince, vous avez sorti un jeu ! Félicitations, vous avez gagné un niveau, grand moment ! Les bénéfices sont : gain de confiance, la réputation de pouvoir terminer des projets, et une compréhension du processus entier de création de jeu ! La meilleure partie, cependant, est que vous avez un petit jeu sympa auquel je peux jouer et profiter ! Et j'aime jouer à des jeux, autant que j'aime les créer.

Les coulisses c'est fini, mon ami : VOUS ÊTES UN DÉVELOPPEUR DE JEU.

Trobien ! (4)

Commentaires

Alex RoiEsper

Le meilleur article du site. Ok fake

thephv1FR

Alex RoiEsper- Je suis d'accord avec toi Wink

Alex RoiEsper

Merci. Fan

choco-sama

Le "Bible" pour certain!

Alex RoiEsper

Je ne vois pas de qui tu parles. Ok fake
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